ARTICLE - Comment l’agriculture industrielle bouleverse le cycle de l’azote...

Il faut donc dépasser l’idée que seule la poursuite de l’intensification de la production agricole industrielle, de sa spécialisation et de l’accroissement du commerce international des produits agricoles permettra d’assurer les besoins alimentaires croissants de la planète. Bien au contraire, ce modèle agricole est aujourd’hui clairement identifié comme cause de perturbation majeure du fonctionnement planétaire. Nourrir la population mondiale future tout en respectant l’habitabilité du monde ne pourra se faire que grâce à des changements structurels majeurs du système agro-alimentaire mondial alliant sobriété, reconnexion et agro-écologie.
https://theconversation.com/comment-lagriculture-industrielle-bouleverse-le-cycle-de-lazote-et-compromet-lhabitabilite-de-la-terre-219276

C'est plutôt pas mal, comme article.

Notamment le fait de lier production agricole et consommation de nourriture en un "système agro-alimentaire" est essentiel.

Ailleurs, j'évoque le cas de Wenz, en Allemagne, pape du "bio" (même biodynamique) et du non-travail du sol. Et je dis que ces rendements de blé sont d'environ 40 qux/ha, plutôt très bons en "bio", mais presque moitié moins que celle du conventionnel. Il est donc évident que des injonctions aux agriculteurs pour passer en bio sont un voeu pieux, tant que les consommateurs n'auront pas fait le reste du chemin.

Et par ailleurs, du mets un soupçon de Jancovici dans la réflexion, et tu comprends qu'il faudra AUSSI déconstruire les villes - je crois que dans un post ici j'avais évoqué le fait que les villes actuelles sont des "cancers" - elles "bouffent" tout. Sans pétrole pour abreuver la noria de camions, même à l'échelle de la France, on ne pourra nourrir Paris.

Donc il faudra encore élargir le zoom. Et intégrer l'énergie dans la réflexion. L'agriculture actuelle consomme presque autant d'énergie "autre que le soleil" que n'en fixe la photosynthèse dans ce qu'on récolte. Donc sans énergie "extérieure", l'agriculture telle qu'elle est actuellement (et le bio ne fait en rien exception), fait teuf teuf teuf...

L’article traite mal la question de l'azote (avec des erreurs autour de l’ammoniac / ammonium - sans doute des lacunes de chimie). Là aussi, il faut ouvrir les yeux :

a) d'un côté l'agro-industrie réduit l'azote gazeux en ammonitrate, à grand renfort de gaz naturel (à la fois la source des atomes d'H et la source d'énergie pour mettre tout ça sous haute pression à haute température de sorte à ce que l'N² de l'air se combine aux atomes d'H extrait du CH4)

b) d'un autre côté, nous pissons l'urée, le déchet azoté du métabolisme de notre corps (la façon dont notre corps se "purifie" d'un déchet toxique, l'ammonium issu de la dégradation des protéines / acides aminés et des bases azotées de l'ADN / ARN) dans les égouts, où, avec des machines (pompages), on oxyde d'abord l'ammonium en nitrates, mais comme on ne peut les rejeter, dans une seconde phase, on va réduire ces nitrates en... N².

Le cycle est bouclé.

Il est évident qu'il est plus pertinent que nous pissions et que nos animaux pissent dans les champs. Les nitrates qui se forment évitent d'en acheter.

Cela semble caricatural, mais dans une de mes confs je dis que les problèmes sont venus quand on a commencé à installer le tout à l'égout. Excellente chose pour l'hygiène, la qualité de vie (bonjour les odeurs avant ça !). Catastrophe pour l'agriculture. L'urée a d'abord été dans les fleuves, avant qu'on ne réalise que c'est une catastrophe écologique. Et on a inventé les STEP !

Donc quand on voudra vivre à 10 milliards sans détruire la planète et avec une énergie rare et chère, il va falloir en changer des choses !

une question
Wenz tu dis que c'est 40q/ha, c'est à cause de la culture sans labour ou c'est parce qu'il est en bio
est-il possible et si oui comment produire plus de 40q/ha avec du non labour?

Wenz, c'est 40 qx / ha parce qu'il est bio. Même un peu plus que bio, puisqu'il est biodynamique (non orthodoxe - il a failli perdre le label Demeter).

Et il obtient là un rendement un peu plus que la moyenne des blés "bio" en France (qui se situe vers 30 à 35 qx pour le blé).

[A noter, le maïs si détesté par les écolos tient beaucoup mieux la comparaison. Le tableau dans l'article suivant donne les pertes de rendement en bio vs cultures conventionnelles :

https://www.pleinchamp.com/actualite/bio-des-ecarts-de-rendement-compris-entre-28-et-57-en-grandes-cultures]

Pour produire plus de 40 qx/ha en non-labour, il suffit de renoncer au label bio et de mettre les doses d'engrais et de pesticides qu'il faut. Pour les céréales à paille - blé, orge, seigle - le gros problème en bio est la concurrence des adventices, difficiles à contrôler. Donc le désherbage. Donc les céréales à paille "bio" sont plus envahies - on verra fleurir quelques coquelicots ! Le désherbage se fait de façon mécanique - avec des herses-étrilles, des houes rotatives... et il y a quelques pieds de blé qui y laisse la peau, tandis que des adventices passent à travers ! Les plantes plus "massives" et qui poussent vite au printemps, telles maïs, tournesol, soja, sont moins pénalisées.

Dans un système conventionnel, les rendements des techniques de SD (semis direct donc sans acun labour) sont très voisins, voire légèrement supérieurs (dans le cas du blé) à ceux obtenus dans les témoins avec labour... Voir le tableau sur le document suivant : https://agriculture-de-conservation.com/sites/agriculture-de-conservation.com/IMG/pdf/semis-direct-indre-tcs-71.pdf

Rappel : TCS = technique culturale simplifiée (en gros, "sans labourer") ; SD = semis direct (sans aucune préparation préalable) ; la fissuration est une sorte de sous-solage avec des dents costauds, sans retournement.

Cet essai montre que le fait de ne pas travailler le sol n'a pas pour conséquence une baisse marquée ou significative des rendements. Qui peuvent parfois être supérieurs à ceux d'une parcelle labourée.

C'est pour cela que je me permets de "titiller" ceux qui sont persuadés que sans labour, et plus généralement, sans travail du sol, les rendements dégringolent... C'est faux. On pourrait discuter le cas de sols moins favorables car argileux...

Bref, les candidats écolos aux élections feraient bien de préciser comment gérer la question d'une baisse de rendement d'environ 50 % dans le cas des céréales. Cela peut s'envisager. Notamment par une réduction drastique des usages industriels et comme aliment du bétail. Plus de sacs plastiques "compostables", et beaucoup beaucoup moins de viande, de fromages, de yaourts, de Skyr, etc... Pourquoi ils ne terminent pas leurs propositions ? Peur de perdre des voix ???

Vers la fin de l'article, en commentaire sur les images montrant le blé, on peut lire ceci, que beaucoup de jardiniers devraient lire ! Bon, cela concerne surtout les fans de la "fraise" (la motobineuse, pas le fruit)


"on constate une dégradation très rapide de la surface dans les systèmes intensi-
vement travaillés. Cette dégradation conduit à des pertes par ruissellement de
terre, de matières organiques, d’engrais et de pesticides impossibles à mesurer
dans ce type de dispositif et par conséquent très réels mais non mesurables."

Cela rejoint une conviction que j'ai depuis longtemps : quand on se fatigue beaucoup pour un sol bien meuble, cela se termine en... béton. Et en érosion.

Penser aussi au gaspillage monstrueux des agro-carburants.

Tu le dis, le problème c'est la ville. Avec une population urbaine à 80%, impossible de changer de modèle.
Effectivement, tout ce qui part aux égouts devrait pouvoir être recyclé. Ils en parlent de plus en plus mais il y a comme une gêne sur le sujet... Ça fait "sale" encore une fois...
J'ai moi-même hésité à installer des toilettes sèches pour ensuite composter le résultat et ne plus rien gaspiller.
Un ami le fait dans le village, lui et sa famille sont en bonne santé! Mais j'ai abandonné au final car compliqué à gérer avec une famille de 5 personnes et des "jeunes" qui ne font pas toujours attention...
Je connais aussi quelqu'un qui a installé un système de lagunage. Ce serait possible chez moi avec mon terrain en pente. Mais il faut alors convaincre madame car adieu produits de nettoyage chimiques...

Pour le travail du sol, chacun fait comme il veut mais c'est clair que même avec un sol lourd/argileux, il ne sert à rien de labourer ou fraiser 2 fois par an comme le font plein de jardiniers amateurs.
Et pour éviter l'érosion, un sol couvert en permanence : par des cultures, des adventices ou des "déchets", n'importe mais couvert!